Fin du rêve ou début du réveil ?
Que signifie la tragicomédie du Brexit, qui fait la une des journaux depuis maintenant trois ans ? Pourquoi les Britanniques ont-ils soudain décidé de quitter l’Union européenne, alors qu’ils en bénéficiaient depuis 46 ans ? Et en tant qu’Européen, faut-il s’inquiéter du mauvais exemple que les Anglais sont en train de donner et qui pourrait inciter d’autres pays de l’UE à abandonner le navire ? Ou faut-il au contraire se réjouir de leur départ et claironner « Bon débarras ! » ?
Malheureusement, toutes ces questions en appellent d’autres. Car depuis maintenant une vingtaine d’années, les remises en question de l’unification européenne ne cessent de se multiplier. Et l’europhobie étant devenu le cheval de bataille des partis populistes d’Europe qui remportent de plus en plus de victoires électorales, l’Union européenne pourrait-elle bientôt s’effondrer ? Est-ce que la construction européenne lancée en 1957 par le Traité de Rome n’était finalement qu’un projet utopique auquel il est temps de mettre fin ?
Toutes ces questions méritent d’être posées, car face aux défis du nouvel ordre mondial et aux égarements actuels de la vie politique sur tous les continents, la confusion qui est en train de s’emparer de l’Europe n’est pas bonne conseillère. Il est devenu urgent de faire le point sur l’état actuel de l’Union européenne, ses réussites et ses échecs, ses qualités et ses défauts, puis de définir son orientation future et ce qu’il reste à faire pour rétablir sa dynamique et donner un solide fondement à ses perspectives d’avenir.
Les idéologies politiques et les grandes théories de l’œcuménisme européen ne servent pas à grand-chose pour essayer de comprendre l’Europe d’aujourd’hui et ses incontournables réalités. Quant aux déclarations, passionnées ou insouciantes, de nos chefs politiques, elles ont tendance à nous embrouiller plutôt qu’à nous éclairer sur l’avenir de l’Europe. Face aux opinions contradictoires qui circulent aujourd’hui, il est donc préférable d’analyser patiemment les réalités avec objectivité, puis de proposer des idées fondées avant tout sur un simple bon sens.
Il faut tout d’abord se rendre à l’évidence : l’unification européenne est une entreprise d’importance phénoménale, dont le déroulement et la signification profonde sont sans précédent dans l’histoire. Mais on est bien obligé de reconnaître aussi que, sous l’effet combiné des échecs de l’Europe, des défauts et faiblesses de l’UE, de l’ardeur populiste europhobe et du manque de réaction concrète et positive de la classe politique, le projet européen est en panne depuis une vingtaine d’années, et sérieusement menacé de mort lente, ou d’échec ultime.
Le simple bon sens suggère aujourd’hui que l’Europe ne sera jamais ce qu’elle devrait être tant que le capharnaüm politico-bureaucratique actuel de Bruxelles n’aura pas été remplacé par un chef d’État et un gouvernement élus démocratiquement, et tant qu’une structure de type fédéral n’aura pas été mise en place pour mettre fin aux interminables chamailles destructives actuelles entre leaders politiques européens. Tout indique en effet qu’une telle structure sera la seule façon logique, simple et efficace de concilier l’indispensable gestion unifiée de l’Union européenne avec l’autonomie politique et culturelle des pays membres. Cette évidence, bien que reconnue par un bon nombre d’européanistes convaincus et par les experts en science politique, bute malheureusement depuis 20 ans sur un véritable blocage mental de l’élite politique européenne, incapable de franchir le Rubicon de l’intégration politique de l’UE.
À l’urgence de franchir ce Rubicon s’ajoute l’importance primordiale pour l’Europe de jouer son rôle sur la scène mondiale. Car sous l’effet combiné de diverses tendances d’envergure planétaire, dont les divagations actuelles de l’Amérique de Donald Trump et la croissance fulgurante de la puissance économique, politique et militaire de la Chine, l’ordre mondial né à la suite de la Deuxième Guerre mondiale est en pleine transformation. Face aux innombrables incertitudes qui en résultent, il est essentiel pour l’Europe de prendre conscience du bouleversement mondial qui est en cours, et d’achever sa construction pour pouvoir jouer le rôle de superpuissance active et pacifique qui doit être le sien. Car si la fragmentation actuelle de l’Europe persiste, les nations qui la composent deviendront les pays vassaux des superpuissances de demain. Selon l’expression consacrée, l’Europe est encore « un géant économique, mais un nain politique ». Il n’appartient qu’à elle de faire le nécessaire pour corriger cette anomalie.
Étant donné toutes les incertitudes qui pèsent actuellement sur l’Europe et le besoin de clarification qu’elles demandent, ce livre a été écrit dans le simple but de souligner et expliquer dans le détail toutes les réalités mentionnées ci-dessus, en respectant le devoir d’objectivité et de bon sens que l’importance du sujet exige.
Aujourd’hui comme à l’époque du Traité de Rome, le rêve européen qui est à l’origine de la volonté actuelle d’unification des nations européennes n’a rien d’utopique. Mais pour réaliser ce rêve, l’Europe doit commencer par se réveiller, car elle a de nombreux problèmes à régler et des décisions majeures à prendre pour maîtriser son avenir. J’espère que ce livre aura au moins le mérite de contribuer à cet indispensable réveil.
Bernard Pelletier
Citoyen européen
25 août 2019
Un nouveau genre de livre sur l’Europe